En direct de Tour & Taxis
Et voilà
vous êtes à la Foire du Livre de Bruxelles – cru 2010. Après
avoir pesté contre votre train – en retard – et les bus bruxellois qui ne
connaissent pas les cartes de douze zones, tout s’est bien passé. Vous avez franchi
la grille « entrée presse, exposants, auteurs » : la classe ^^
et vous avez fièrement montré votre badge au gorille à l’entrée qui n’a pas eu
d’autre choix face à votre enthousiasme que de vous adresser un sourire crispé.
10h : vous
arrivez au stand d’AB et découvrez le représentant de la société « mère » qui va tenir le stand avec vous. Catastrophe : regard fuyant
et mine constipée, à croire qu’il pense que vous voulez le bouffer !
Heureusement que vous avez votre pc parce qu’à part quelques
« oui-oui » embarrassés, vous ne pensez pas pouvoir tirer grand chose
de votre collègue qui apparait comme l’autisme incarné. Vous allez donc passer trois
journées ici à faire la parfaite hôtesse et à vous trémousser sur votre siège
en espérant voir des choses intéressantes.
11h :
calme plat depuis une heure. A part quelques sourires et quelques
« bonjour » rien de bien excitant pour l’instant. Ah si, une dame vous
a fait un signe de la main amical en vous jetant un grand : « Je
viens te voir tantôt ! » Super ! Si seulement sa tête vous
disait quelque chose…
11h36 :
une dame d’un certain âge vous prend à partie en pointant du doigt le dernier
ouvrage paru chez AB « Amours virtuelles. Conjugalité et internet ».
La dame : C’est affreux tout ce qui se passe
sur internet.
Vous (dubitative mais polie) : Toute nouveauté
entraine des excès.
La dame : Surtout à l’heure actuelle vous
savez !
Vous : … (Sourire poli. C’est vraiment tout ce
que vous pouvez faire, sinon vous allez vous voir entrainer dans la discussion
– ô combien exaspérante – aujourd’hui
n’est plus ce qu’était hier. Et ça va, vous avez déjà donné. Surtout qu’en
tant que nouvelle génération, vous serez forcément blâmée par mamy – oui, vous
êtes jeune et en train de surfer sur internet en plus, toutes vos
excuses !)
11h54 :
votre première vente *joie intense* surtout que vous avez été convaincante et
avez vendu le livre comme une pro (Merci M. M. de m’avoir bassinée avec ce
livre il y a deux ans. Grâce à lui, vous savez en parler mieux que quiconque
maintenant ^^).
14h :
réaction : ils ont un problème du côté de la ventilation ou quoi ? Vous
avez le sentiment de fondre comme glace au soleil. Faut dire que les quatre
spots qui chauffent au-dessus de votre tête n’aident pas vraiment. Pendant ce
temps-là, dans vos oreilles bourdonne la voix grinçante et lente d’un doctorant
en histoire en train de présenter son dernier ouvrage lors d’une conférence…
qui se donne sur le stand juste à droite du vôtre ! Pas de bol…
Quelques
questions typiques :
Le visiteur (face à une pile de catalogues gratuits et une
grande affiche « servez-vous ») : je peux en prendre ?
Le visiteur (nerveux) : Je… je…
Vous : Bonjour !
Le visiteur (agressif) : Où sont les toilettes ?
Vous lui
indiquez gentiment la porte à droite (juste à côté de l’affiche – immense –
Toilettes) et le visiteur file comme l’éclair, la vessie apparemment prête à
exploser.
Le visiteur : Je cherche un stand…
Vous : Quel numéro/éditeur/maison ? (au
choix)
Le visiteur : 405/308/116/218…
Souvent
le visiteur vous fixera en espérant que le plan se trouve au fond de vos yeux
et que vous allez lui servir de guide instantanément. Il sera consterné en vous
voyant sortir le plan (oui, le même que le sien) et l’étudier avec attention et
application. Vous sentez une pointe de déception dans l’air…
Le visiteur (énergique) : Bonjour ! Vous avez
l’air de vous embêter alors je viens vous dire bonjour.
Vous (agréablement surprise) : Bonjour ! Ça c’est gentil !
Le visiteur (satisfait) : Alors, qu’est-ce qu’une-jolie-jeune-fille-comme-vous-fait-sans-personne-à-ses-côtés ?
Vous : (et merde… vous pensiez que ce genre de
gros lourds étaient des légendes urbaines et ben non… apparemment ils existent
encore et trainent dans les foires en quête de jeunes proies.)
Mais le
plus drôle, ici, ce sont les troupeaux d’adolescents qui passent devant votre
stand en gloussant comme des hystériques comme si aller à la Foire du Livre
constituait l’événement le plus excitant de leur jeune vie. Il est toujours amusant
de constater qu’ils sont tous – évidemment – habillés de la même façon. Bon, vous
le savez, c’est un topoï de votre temps, mais voir tous ces petits clones qui
se croient tellement originaux est tellement jubilatoire, si on le prend au
second (voire au troisième) degré, bien entendu. Apparemment la tendance
actuelle chez les adolescentes reste le slim (quand cette horreur
passera-t-elle de mode ?) version jeans ou version cuir brillant (choc
pour les yeux !). Le tout est évidemment complété par les ballerines (il
gèle dehors mais bon…) et un gilet ouvert qui pend négligemment le long de
jambes qui ressemblent de plus en plus à des baguettes chinoises. N’oublions
pas l’immense sac (foutoir) où l’adolescent jette absolument toutes ses
possessions comme s’il s’apprêtait à partir en randonnée pour l’Afrique du Sud,
et voilà, vous avez le portrait type d’une adolescente du XIXe siècle. Un peu
tristounet tout cela, non ? Merde, êtes-vous déjà une version mamy-jeune
qui se dit qu’avant c’était mieux que today ? Argh !
Point
positif de la journée : le sosie de Taylor Kitsch vous a acheté « Le
financement public des religions et de la laïcité en Belgique », certainement
le livre le moins glamour de toute la planète.
Point
négatif : vous vous faites régulièrement chier… parce qu’à part quelques marginaux
typiques, personne ne vient à la Foire pour acheter ses livres chez AB !
Et votre stand reste vide, vide, vide (sauf quand un auteur débarque avec le
plaisir vicieux de voir si vous avez bien mis son dernier ouvrage en
évidence…).
14h55 :
il est temps de décamper pour attraper votre bus puis votre train, rentrer chez
vous et regarder « 28 jours en sursis » histoire de se changer les
idées.
Sur ce, vive la culture ! Et à demain !