[Lecture] Qui c'est ce garçon?
Nicole de Buron, Qui c’est ce garçon ?,
Paris, Flammarion, 1985.
4e de couverture :
Allons bon, c’est LUI ! Le premier
amoureux de Petite Chérie, votre fille adorée de seize ans et demi. Qui
passe des heures entières au téléphone, hait l’école mais adore les fringues,
vit entourée d’un troupeau d’adolescents dont vous ignorez les noms. Et voilà
qu’elle vous réclame la pilule, rit gentiment quand vous tentez de lui
expliquer les choses de l’Amour, fait la manche avec l’élu de son cœur, essaye
de noyer une rivale dans les W.-C. de l’école. Et pourtant vous en avez déjà vu
de drôle (et vous continuez) avec votre baba-cool de Fille Aînée, qui,
elle, s’était amourachée d’un hippy en sabots, d’un trotskyste boutonneux,
avant de vivre de tumultueuses amours conjugales avec M. Gendre. Dans
votre vie, perturbée par vos filles bien-aimées, il y a aussi l’Homme,
votre cher compagnon, en Petit Garçon qui, d’une menotte de fer, va vous
transformer en Mamie.
Mon avis :
Nicole de Buron, c’est une auteure (kaïkaï la
nouvelle orthographe me file décidément des boutons !) brillante. On
commence son bouquin et hop ! deux à trois heures plus tard, terminé,
c’est avalé. Mais pour se consoler, on peut piocher dans ses nombreux romans
qui retracent les différentes étapes de la vie de l’héroïne. De Où sont mes
lunettes ? à C’est quoi ce petit boulot ? en passant par
Docteur, puis-je vous voir avant six mois ? ou encore Mais
t’as-tout-pour-être-heureuse ! la lectrice (et oui, public visé :
lectrices, exclusivement… enfin le défi reste ouvert !) trouvera forcément
son/ses épisode(s) préféré(s).
Petit moins : au fil de ses œuvres, Nicole
de Buron nous retape parfois les mêmes détails mais bon, vu qu’elle le souligne
d’elle-même dans la préface de Mais t’as-tout-pour-être-heureuse !,
on ne lui en veut pas tellement finalement.
Un style savoureux, des épisodes cocasses qui
laissent souvent le lecteur les yeux pleins de rires mouillés. Une description
de la vie tout en humour et en vérité. Un pur plaisir, tout simplement !
Quelques mises en bouche :
Comment avouer à Petite Chérie qu’un esprit
aussi rétro que le vôtre, avec une solide hérédité terrienne, est bourré de
préjugés tels que savoir le nom de famille d’un individu vous donne
l’impression qu’il n’est plus tout à fait un étranger. Idiot, c’est évident.
Vous vous contentez donc désormais de dire poliment bonjour quand on vous
présente un Michel, deux Nicolas, trois Jean-Philippe.
Mais vous avez essayé – assez sournoisement
vous le reconnaissez – de prendre votre revanche au téléphone.
-Allô ! demande une voix juvénile mâle,
Joséphine est là ?
-Non ! Elle n’est pas encore rentrée.
Voix juvénile mâle (mécontente) : Ah bon !
Vous (sautant sur l’occasion) : C’est de la
part de qui ?
Voix juvénile mâle (franchement indignée : les mères, quel
enfer !) : Pierre… de son école…, elle saura !
Et clac ! Pierre raccroche au nez de votre
curiosité.
Alors vous avez eu une idée parfaitement
abominable.
2e voix juvénile mâle : Allô ! Est-ce que je
peux parler à Joséphine ?
Vous (doucereuse) : Pas là ! C’est de la
part de qui ?
2e voix juvénile mâle (indignée à son tour) :
Bernard…
Vous : QUEL Bernard ?
Votre voix faussement candide sous-entend que
la vie de votre fille bien-aimée est peuplée de Bernard. Le malheureux, au
supplice à l’idée de donner son nom de famille (qu’il a peut être oublié à
force de ne pas s’en servir), bredouille quelque chose que, du reste, vous
n’écoutez pas. Et clac ! Vous raccrochez la première. Triomphante.
Naturellement, vous n’avez jamais osé avouer à Joséphine quelle affreuse espèce
de mère elle avait.
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Ils s’en vont. Le Comanche s’est engagé à
ramener Joséphine jusque devant votre porte. Les parents restent seuls. Un peu
désemparés. La mine du Père est sombre (…)
-Tu n’as pas peur que notre fille tombe
amoureuse de CA !
L’Homme est si désemparé que vous n’osez
ajouter à son inquiétude :
-Bah ! je crois que c’est seulement un bon
copain pour l’instant.
-Je ne l’aime pas, dit l’Homme intensément. Il
est plus grand que moi.
Et il va se coucher, plein d’amertume.
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-Et si tu demandais à ton père,
directement ?
Petite Chérie pâlit. Elle sait que son projet présente, aux yeux de l’Homme, deux inconvénients majeurs : 1) pas d’adulte pour surveiller son Trésor ; 2) des garçons certainement tous obsédés par le désir de violer sa Petite Chérie. L’idée que Petite Chérie puisse être obsédée par le désir de violer tous les garçons ne l’a jamais effleuré.
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